CYCLE «PENSÉES DU MONDE» « LA PEUR : RAISONS ET DÉRAISONS »

RENCONTRE AVEC ELLA SHOHAT, professeur et écrivain Accompagnée par Fethi Benslama, psychanalyste et essayiste.
>> Jeudi 26 mars à 19h
Auditorium Germaine Tillion - Entrée libre
Née en 1959 en Israël, de parents irakiens, vivant et enseignant aux Etats-Unis, Ella Shohat se revendique autant juive qu’arabe et a fait de la défense des identités multiples et du multiculturalisme le cœur de son travail. Professeur à l’Université de New York, au département d’études du Moyen-Orient, elle est l’auteur d’une critique du sionisme du point de vue des juifs orientaux et a étudié plus récemment les nouvelles peurs, notamment l’islamophobie, engendrée aux Etats-Unis par les attentats du 11 Septembre.
Ella Shohat © Photograph Plastiques, London 2012
« Je suis une juive arabe », ne cesse d’affirmer Ella Shohat. Née en 1959 en Israël, de parents irakiens, elle vit et enseigne aux Etats-Unis. Cette identité synchrétique, dont l’Occident ne voit que « les possibilités existentiellement nauséabondes ou délicieusement exotiques », a forgé sa vision du monde et de l’histoire. Professeur à l’Université de New York en littérature comparée, au département d’études du Moyen Orient ainsi que celui d’Amérique latine et des Caraïbes, s’intéressant également aux études de genre, c’est peu dire que la construction sociale, historique et politique des identités, est au cœur de son engagement et de son travail. Dans son seul livre traduit en français, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives, elle critiquait déjà la « police des frontières israélienne » par laquelle l’Etat hébreu nie l’histoire orientale du peuple juif en réservant un sort subalterne aux cultures des misrahim (juifs du moyen-orient) et sépharades (juifs d’Afrique du Nord, héritiers des Andalous espagnols) au profit d’une mémoire juive exclusivement européenne. « Ma grand- mère, qui vit en Israël, expliquait-elle, et communique largement en arabe, a dû apprendre à parler de « nous » en tant que juifs, et d’« eux » en tant qu’Arabes ». Aussi, Ella Shohat voit-elle le «respect de l’Orient sous toutes ses formes, que ce soient les misrahim, les Palestiniens ou les peuples arabo-musulmans voisins», comme la condition sine qua non de la paix.
Cette ignorance, voire cette hostilité, à l’idée même d’orientalité, Ella Shohat l’a retrouvée aux Etats-Unis. Non pas seulement dans la communauté juive, dominée par les ashkénazes (les juifs européens), mais aussi dans la construction même de cet Occident dont l’Amérique est le phare et l’Europe la source. Poursuivant les travaux d’Edward Said sur l’orientalisme, elle restitue la généalogie complexe de cette représentation, dans laquelle les figures du Juif et de l’Arabe, ont joué tour à tour, parfois de concert, et enfin l’un contre l’autre, le rôle des étrangers. 1492, la chute de Grenade, l’Inquisition et la « reconquista » par l’expulsion des juifs et des arabes d’Espagne sont le premier moment où s’exprime cette exclusion d’éléments vécus comme hétérogènes à la culture « pure ». Jusqu’au 19ème siècle, le Juif et l’Arabe sont associés dans le même «Autre», auquel on prête les traits de l’Oriental, primitif, paresseux, lascif, fourbe, dangereux... Peu à peu, l’Europe se définit elle-même contre un musulman, ennemi de l’extérieur, et un juif, ennemi de l’intérieur. La colonisation achève de distinguer les deux figures sémites, avec un Juif « positif », intégré, émancipé et moderne, contre un « Arabe » qui demeure barbare et... définitivement « oriental ». Dans ce tableau, le juif arabe dérange en revendiquant une identité multiple qui, moins que jamais, a droit de cité.
C’est cette longue histoire qu’Ella Shohat voit réactivée depuis les attentats du 11 Septembre 2001, donnant ainsi une analyse originale de la nature de l’islamophobie qui monte, partout dans le monde, tandis que se répand la terreur islamiste. Une longue histoire de peurs multiples.
En partenariat avec Mediapart
Traduction simultanée à partir de l’anglais
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