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Jeudi 05 Décembre 2019

Dossier : le rap a-t-il dérapé ?

Dossier : le rap a-t-il dérapé ?

En 2001, la Fonky Family rappait à la gloire de l’« Art de Rue ». Aujourd’hui, leurs mots résonnent comme une prémonition : vous connaissez par cœur le dernier morceau de PNL alors que vous n’écoutez pas de rap et vos petits cousins ponctuent toutes leurs phrases par le signe de ralliement de Jul. On a tenté de comprendre pourquoi. Dossier freestyle.

Milieu des années 80. Entre deux combi fluos et quelques permanentes bien senties, Sid et son émission H.I.P H.O.P (à prononcer « achipé achopé ») déboulent sur les écrans et marquent le début d’une nouvelle ère pour toute une génération. Pour la première fois à la télé, le public français découvre la culture hip hop : rappeurs, djs, breakers et guest star s’enchaînent. Des tas de jeunes se massent devant leur télé pour s’essayer au smurf et invitent dans leur salon des gens qu’ils n’ont pas l’habitude de voir dans leur petit écran – à commencer par un présentateur noir. À travers cette émission, tout un pan de la culture américaine déferle sur la France. Car si, à Paris, des petits groupes d’initiés se formaient déjà, cette émission diffusée à une heure de grande écoute – juste avant Starsky et Hutch – a permis de répandre la culture hip hop dans tout l’hexagone. C’est aussi avec elle qu’on découvre les premiers « MC », Masters of Ceremony qui accompagnent les Djs et chauffent la salle en rimant entre deux morceaux. Car à l’origine, c’est bien à ça que sert le rap : s’ambiancer.

Musique urbaine : un vrai rap-de-marée

Ainsi popularisé, le rap poursuit son petit bonhomme de chemin. Sans savoir qu’il est à l’aube d’une révolution. Celle-ci est amorcée en 1996 avec le vote de la loi Toubon, qui impose aux radios privées des quotas de chansons francophones. Une contrainte que Skyrock va transformer en aubaine, la station ne sachant plus comment toucher les 15-25 ans. Elle décide de repositionner totalement sa programmation et misera désormais tout sur les musiques urbaines, le rap et le RnB. À l’époque, ce choix a été perçu comme opportuniste par bon nombre de groupes, La Rumeur en tête, et plus récemment par Booba. Aujourd’hui, certains estiment carrément que Skyrock a tué le rap en produisant un modèle commercial dénué de toute approche artistique.

Quoi qu’il en soit, dans les années 90, Skyrock a largement contribué à populariser ceux qui incarnent aujourd’hui l’âge d’or du rap. On songe à des artistes comme MC Solaar, Oxmo Puccino, NTM, I Am ou encore le Ministère A.M.E.R. Ces mêmes artistes qui sont identifiés comme les figures du rap dit « conscient ».

Avec des morceaux comme « 11’30 contre les lois racistes », les rappeurs français endossent malgré eux le rôle de porte-parole d’une jeunesse qui se sent sous-représentée. Un mouvement d’ampleur auquel les médias se sont naturellement intéressés… avec une incontestable maladresse. Ce nouveau courant, si éloigné de ce que les journalistes avaient l’habitude de voir jusqu’ici, va les désarçonner. Plutôt que de s’attarder sur les qualités musicales des morceaux ou sur la richesse de ce nouvel élan créatif, ils vont privilégier une approche qui leur est familière : l’analyse politique.

« Les rappeurs français endossent malgré eux
le rôle de porte-parole d’une jeunesse
qui se sent sous-représentée »

Au fil des articles et des reportages, rappeurs et autres breakdancers passent sous le rouleau médiatique. Résultat : une opinion homogène et donc, fatalement, pétrie de clichés. Émerge ainsi l’idée que les rappeurs sont des hommes, de préférence noirs ou en tout cas issus de l’immigration, qui viennent des banlieues et ont des revendications à exprimer. Si cette analyse n’est pas totalement erronée, elle connaît des limites : on ne peut pas dire que Je danse le mia soit un manifeste antisystème, ni que les morceaux de Doc Gynéco soient hyper revendicatifs. 

Malgré tout, ce cliché va cloisonner le genre. On se souvient ainsi de cette interview lunaire de NTM réalisée par Ruth Elkrief, en 1998, qui illustre la gaucherie du traitement médiatique réservé aux rappeurs. La journaliste commence par demander si Ma benz est du second degré, enchaîne par des considérations assez sidérantes sur les banlieues et la violence et termine, de manière magistrale, par une question sur leurs origines qui laisse place à un moment de gêne extrêmement pénible à regarder.

Au moment des faits, le rap bénéficiait déjà d’une certaine popularité. Mais celle-ci est sans commune mesure avec ce que l’on connaît aujourd’hui. « J’ai connu le rap à une époque où c’était très dur, confie Soprano. J’ai même vu IAM galérer ! On a cartonné avec les Psy4, mais on a galéré aussi ! On a réussi à être disque d’or en indépendant, mais on a cravaché. Aujourd’hui, c’est complètement différent. Regarde PNL, ils ne passent pas à la télé, ils ne font pas d’interviews et pourtant ils ont leur public. C’était beaucoup plus compliqué il y a quelques années. Maintenant, avec ton intelligence et ton univers, tu peux trouver un public. »

Car entre la perf’ d’Elkrief et aujourd’hui, une seconde révolution a joué en faveur du rap : l’arrivée des plateformes de streaming. En créant une nouvelle manière de consommer la musique, particulièrement adaptée à la cible jeune et amatrice de rap, les plateformes de streaming vont offrir une énorme visibilité à toute une génération d’artistes apparue dans les années 2010 : Nekfeu, Damso, Vald, Jul, SCH, Gradur, Espiiem, Orelsan, K$K, Sultan, Niska, Niro, Némir, Mister You, Leck, PNL, Georgio, Bigflo & Oli, etc... Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Jul est n°1 des artistes les plus écoutés sur Deezer, et ce, depuis 2015 ! Autant dire que désormais, le rap, on en fait tout un fromage. Ajoutez à ça Youtube, la possibilité de faire un clip en toute indépendance et de transformer sa sortie en événement et vous obtenez, comme PNL avec Au DD, 12 millions de vues en 48h. Ces groupes se sont, pour la plupart, affranchis des modes de communication traditionnels pour inventer des nouveaux modèles de diffusion. Ainsi, les liens entre rap et cinéma se resserrent – avec des projets comme Les étoiles Vagabondes de Nekfeu, par exemple – et les frontières avec d’autres courants, artistiques comme musicaux, se font poreuses.

Le iencli est roi

En s’ouvrant ainsi au monde, le rap s’est tellement popularisé, diversifié, réinventé, qu’il a droit au même sort que les autres styles de musique : la sempiternelle tentative de catégorisation. Dans notre cas, ça donne le rap gangsta, hardcore, alternatif, lyrical, de rue ou encore de iencli. Cette dernière catégorie a une saveur toute particulière, puisqu’elle constitue une insulte, balancée à longueur de commentaires sur Youtube par des auditeurs souvent hargneux. Ce terme est issu du vocabulaire de la vente de drogues : le client, pour faire simple, c’est le blaireau. Celui qui ne vient pas de la cité, qui a du fric et qui est surtout facile à rouler. Transposé au rap, cet auditeur serait donc quelqu’un qui achète, cher, du rap de merde.

Mais, qu’est-ce qui le caractérise ? Le site Thesaurap s’est essayé à l’exercice. Dans un article intitulé « Rap de iencli : définition et explication », quatre critères sont avancés : le rappeur iencli est blanc, a une fanbase majoritairement bourgeoise, aborde des sujets qui « cassent les codes et les clichés » et fait du son « alternatif ». Les deux derniers points sont particulièrement intéressants. Le rap de iencli délaisserait donc les sujets comme la cité, le sexe, la violence, la testostérone et l’argent au profit de thèmes plus universels comme l’amour ou la recherche de spiritualité. Ensuite, il s’autorise des emprunts à d’autres genres musicaux, piochant dans l’électro ou la variété. Pour Thesaurap, la palme du rap de iencli est attribuée à Lomepal et aux deux frangins Big Flo et Oli. Nous leur avons donc posé la question.

Le premier, qui venait juste de sortir Jeanine, un album sur sa grand-mère (un sujet typique de iencli), n’en a visiblement pas grand-chose à secouer : « Ma manière de chanter est influencée par le rap, dans ma façon de rimer, de placer les mots. Après, c’est sûr que faire juste du rap, ça ne m’intéresse plus. J’ai juste essayé de faire des bons morceaux, quelle que soit la technique. » Oli, lui, avait répondu aux critiques dans le morceau « C’est que du rap », en featuring avec Soprano et Black M. Et le jeune homme porte un regard assez critique sur les autres rappeurs : « Beaucoup sont dans des textes un peu vulgaires, un peu crus. Ça fait du bien, parfois, mais je regrette un peu le manque de diversité... Heureusement, les barrières tombent de plus en plus et le rap commence à s’ouvrir. C’est notamment le cas au niveau de la musicalité, dans les influences, les instruments, les mélodies ou les textes. »

Est-ce que les sociologues sont dans la place ?

Toute cette histoire de iencli, au fond, a comme un petit air de Bourdieu. Petit récap pour ceux qui ne connaîtraient pas les thèses de ce sociologue : Bourdieu considère que notre capital culturel est en relation direct avec notre capital financier. Autrement dit, nous développons des cultures de classe : un aristo ira à l’opéra, quand le prolo regardera la télé. Après lui, d’autres sociologues ont développé cette théorie – dite de la distinction – pour finalement considérer que les classes supérieures se démarquent désormais par leur éclectisme, leur capacité à piocher dans tous les répertoires et à s’encanailler du côté de la culture populaire. Dans notre cas, le rap de iencli serait donc fait par les bourgeois, pour les bourgeois. La classe dominante se serait appropriée les codes du rap et les aurait dénaturés pour en faire du rap propret, conforme à sa culture bourgeoise.

Pour y voir plus clair, nous avons donc demandé à Karim Hammou, sociologue et auteur de Une histoire du rap en France, ce qu’il pensait de cette appellation. « Logiquement, à force de mettre en scène des grossistes et des détaillants, il fallait bien qu’on imagine quelques ienclis ! L’étiquette, née d’un bon mot, a été cultivée par des critiques musicaux, toujours prompts à imaginer et travailler à de nouvelles catégorisations musicales. Et des rappeurs s’en sont ensuite joué avec humour. La prendre trop au sérieux, c’est probablement tomber dans un piège : croire qu’à partir des propriétés supposées d’artistes on peut définir mécaniquement une musique. Ou qu’à partir d’une musique, on peut déduire mécaniquement des publics. »

« Chacun peut se permettre
de ne plus être enfermé dans une case »

Et sinon, qu’en pensent les non-sociologues ? Pour Thibaud, 24 ans, passionné de rap et beatmaker en herbe, le simple fait d’utiliser le terme de « rap de iencli » montre un manque de modernité et une trop grande importance attachée au concept de la rue. À quoi bon faire des catégories quand Booba fait des feat avec Christine and the Queens, que Grems met du rap dans des prod house et qu’à peu près tout le monde utilise l’auto-tune ? Thibaud aime autant écouter des gros bangers pour s’ambiancer que des morceaux plus posés où il peut savourer totalement la prose de l’artiste. « La base, c’est quand même un minimum de rimes, explique-t-il. Il faut éviter les rimes pauvres, être bien calé sur les temps, avoir de la technique... Le reste, c’est secondaire. Le rap est un genre libre, ceux qui disent que c’était mieux avant sont condamnés à mourir puisqu’ils montrent qu’ils sont incapables de s’adapter. »

Si on en revient aux fondamentaux, on parle d’un genre qui, comme tous les autres, trouve ses origines dans les nombreux courants qui l’ont précédé et va se nourrir d’autres influences pour évoluer. Pour le rap comme pour beaucoup de choses, l’existence précède l’essence (on parie que vous ne l’aviez pas vue venir, celle-là). Car comme l’explique très bien Soprano : « Aujourd’hui, chacun peut se permettre de ne plus être enfermé dans une case. D’écrire et de faire de la musique comme il le sent, tout en ayant l’urbain comme base. C’est ce dont j’ai toujours rêvé. »

RAP OU VARIÉTOCH ?

Retrouvez l’auteur de ces phrases :

1. « Je t’aime plus que ma vie, ton rire pour m’en sortir. »
PNL ou Lara Fabian ?

2. « La souffrance, c’est très rassurant. Ça n’arrive qu’aux vivants. »
Renaud ou Gringe ?

3. « Y a que les routes qui sont belles, peu importe où elles nous mènent. »
Orelsan ou Jean-Jacques Goldman ?

4. « Un coucher de soleil et je contemple Dieu. »
Nekfeu ou Joe Dassin ?

5. « Rien ne t’arrête quand tu commences. Si tu savais comme j’ai envie d’un peu de silence. »
Lomepal ou Dalida ?

6. « J’vis à fond ma vie, et j’me cache pour pleurer.
J’en dors plus la nuit, trop m’ont écœuré. »
Jul ou Michel Sardou ?

Réponses :

1. PNL 2. Renaud 3. Goldman 4. Nekfeu 5. Dalida 6. Jul

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