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Mardi 24 Octobre 2017

Et internet tua le hasard

Et internet tua le hasard

Il n’y a pas si longtemps existaient les flâneurs. Ces promeneurs solitaires se baladaient avec une tortue tenue en laisse. Leur but : adopter une allure qui leur laisse le temps d’observer tout ce qui les entoure, et de se laisser guider au gré des rencontres. Imaginez-vous, aujourd’hui, perdu en ville. Certains d’entre vous erreraient peut-être dans les rues, le cœur ouvert à l’inconnu. Mais la majorité dégainerait son téléphone en moins de deux, pour trouver un itinéraire sur maps, ou un endroit à visiter sur trip advisor. Les nouvelles technologies auraient-elles tué notre spontanéité ? Attention, dossier catastrophe.

Ce n’est pas nouveau, nous sommes tous connectés, à internet et aux autres. Ça commence dès le réveil, avec une petite connexion sur facebook, histoire d’avoir un aperçu de l’actualité du jour. Comme une petite fourmi, nous avons sélectionné nos sources d’information, ajouté les amis qui nous semblaient dignes d’intérêt, et supprimé ceux qui, vraiment, pourrissaient notre fil. Et chacun de nos like renforce nos choix. Les petits algorithmes analysent les posts qui nous plaisent pour nous proposer, naturellement, d’autres articles pouvant trouver grâce à nos yeux. Et soyons honnête, qui fait l’effort de sortir le nez de son profil pour trouver des infos ailleurs ? Autant dire que nous risquons vite de tourner en rond. C’est pour ça que Mat Hornan a décidé de liker tous les posts de sa timeline pour voir comment les algorithmes allaient réagir.

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En alimentant nous même notre fil avec les algorithmes, nous construisons ce qu’Eli Pariser appelle nos « bulles de filtres ».

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Son constat est simple : à force de vouloir tout personnaliser, les filtres nous enferment dans notre propre système de pensée. Google, par exemple, prend en compte des tas de données pour nous proposer le résultat de notre recherche, et ce même lorsqu’on est en navigation privée. À chaque fois qu’on tape nos mots clés, il analyse notre localisation et nos précédentes recherches, il identifie qui sont nos amis, et globalement, nos centres d’intérêts et orientations politiques. Ainsi, en tapant « BP » dans la barre de recherche, une personne qui s’intéresse à la finance aura des résultats orientés vers BP investisseur, quand un écologiste sera plus enclin à trouver des informations sur la marée noire causée par BP.

Ces deux internautes sont pris au piège dans leur bulle d’information, et coupé de tout ce qui peut se passer à l’extérieur. Mais il y a pire. Certaines sociétés, comme Cambridge Analytica, spécialisées dans la collecte de données, proposent carrément d’influencer les électeurs. Elle serait notamment à l’origine du Brexit et de la victoire de Trump aux élections présidentielles américaines. Et ça, ça pose de sérieuses questions sur la viabilité de la démocratie.

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 Cette nouvelle ère du « tout personnalisé » passe aussi par notre consommation culturelle, avec les suggestions Amazon, Spotify et Netflix. Et ça peut aussi avoir des bons côtés. Déjà, on trouve rapidement ce que l’on cherche. Pratique. Ensuite, ça permet de faire des découvertes très cools. Avouez que la playlist de la semaine de Spotify est rarement décevante. Si on poussait un peu, on pourrait même dire que la suggestion de contenu nous a permis d’approfondir nos connaissances sur des sujets que nous aimions déjà. Tout ça grâce à un système de recommandation bien rôdé.

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Mais le problème avec les contenus qui vont forcément nous plaire, c’est que l’effet de surprise est sacrément limité. Où est passé l’inattendu ? Les coups de cœur qui nous sortent de notre zone de confort ? Les choses qui nous bouleversent, justement parce qu’elles sont à des années lumières de nos références ? En fait la suggestion de films, séries

et bouquins montre les limites du pragmatisme de la machine. L’algorithme est une petite chose très logique. Donc si il vous propose du contenu et que vous l’avez regardé/ écouté/acheté, il considère qu’il a répondu à vos attentes, et donc que sa mission est accomplie à 100%. Pas faux. C’est ce qu’on appelle la théorie des préférences révélées.

 

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C’est une théorie un peu compliquée, et même vaguement fumeuse, mais qui permet de mettre en lumière l’un des problèmes des contenus suggérés. Pour Hausman, chercheur à l’université de Cambridge, la 1ère limite de cette théorie est que l’absence de choix revient à une absence de préférence. Donc si vous ne choisissez pas entre regarder Rambo IV et Le Cygne et la Princesse, cela signifie, grosso-modo, que vous n’aimez rien. C’est un tantinet réducteur.

Le 2e problème réside dans la sélection elle-même. Hausman donne l’exemple de Roméo et Juliette : Roméo, plutôt que vivre sans Juliette, qu’il croit morte, préfère mourir. Mais Juliette est seulement endormie, donc selon la théorie de la préférence, Roméo préfère mourir que de passer le reste de ses jours à filer le parfait amour avec Juliette. Or, Roméo ne connaissait pas cette alternative. Vous me suivez? Quand on vous propose une sélection de films, vous en choisissez un, mais qu’en est-il des milliards de films qui ne sont pas dans la sélection et qui auraient également pu vous plaire ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qui vous plaît lorsque vous regardez un film ? Quand vous vous installez sur votre canapé avec vos pop-corn, vous ne choisissez pas le programme en fonction de critères prédéfinis: thriller ; 2017 ; Hugh Jackman ; recommandé par bidule… Non, vous avez aimé le film pour l’intrigue, certes, mais aussi pour plein d’autres raisons que les machines ne peuvent pas quantifier : la qualité de la réalisation, l’ambiance, la lumière, le panache d’un personnage secondaire, cette scène qui vous a rappelé votre amour de vacances de l’été 1998… que sais-je.

Donc finalement en ne se basant que sur des données et du pragmatisme pour faire un choix, c’est un peu la mort du ressenti proprement humain. La mort de votre âme, quoi. À ce stade de la lecture, il se peut que vous soyez pris de panique. Si tous vos choix sont orientés et tout ce que vous aimez, suggéré par des machines sans cœur, votre personnalité n’est-elle que le résultat d’une vaste orchestration, fomentée par des algorithmes machiavéliques qui, le jour prochain de leur soulèvement, nous réduirons en esclavage ? Et plus important encore : aimez-vous vraiment Hugh Jackman finalement ?!

Détendez-vous, tout va bien se passer pour 2 raisons. La première, c’est qu’il n’y a rien de plus normal, de plus banal, que de se satisfaire des choses familières. En sociologie, ça s’appelle l’homophilie. C’est un discours déterministe qui dit qu’on a tendance à s’associer à des gens avec lesquels on partage des formes de complémentarité liée à la langue, au sexe, au niveau culturel ou à l’ethnicité…

Donc en gros il est naturel que nos amis soient intéressés par les mêmes choses que nous. Vous n’avez qu’à regarder autour de vous : il y a de fortes chances pour que vos relations, à la fac ou au boulot, aient les mêmes orientations politiques et viennent du même milieu socio-culturel que vous (on ne compte pas les amis d’enfance, qui sont potentiellement les seuls à venir d’un milieu totalement différent du notre). Et malgré cela, si vous vous retrouvez face à un point de vue divergent du votre, votre instinct premier sera de camper sur vos positions !

D’ailleurs, lorsqu’on se retrouve à débattre avec quelqu’un, on recherche des informations sur internet pour soutenir notre propre argumentation, et non pas celles qui nous permettraient d’étayer ou de comprendre le point de vue adverse. Tout ça est simplement humain. Il est donc logique qu’internet amplifie ce phénomène. La deuxième raison, c’est que vous avez désormais conscience d’être manipulé, et pouvez donc réagir en conséquence. Vous pouvez décider de vous tourner vers des outils, ou simplement de prendre les bons réflexes. En changeant de navigateur pour protéger vos données, en décidant d’aller chercher l’information sur des sites qui ne partagent pas votre point de vue, en gardant, sur facebook, vos amis de gauche ou de droite (rayer la mention inutile), en cliquant sur les liens pour remonter les fils d’information, ou en adoptant une tortue pour vous promener, sans but… ni connexion internet.

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